De diptyque, certains, comme moi, jusqu'à un passé récent, ne connaissent que leurs bougies parfumées. D'autres ont découvert leur parfum et certains apprécient les produits de l'Art du Soin. De l'ovale des flacons aux codes graphiques et le noir et blanc des étiquettes, ou bien une odeur familière, c'est tout cela diptyque.
Pourtant, après une visite à la boutique historique, j'ai découvert un univers si riche que la simple évocation de la sortie de telle ou telle nouvelle bougie ou parfum m'aurait semblé trop partielle.
Je suis donc parti à la rencontre de cette maison.
Ce n'est pas une mais plusieurs rencontres qui ont été initiées durant plusieurs semaines, afin de mieux comprendre tant diptyque développe un univers riche, et fait appel à de nombreux talents.
Rencontre protéïforme dans le passé et dans le présent pour vous présenter en exclusivité cette semaine quelques nouveautés.
Pour bien s'approprier l'univers de cette maison, il a d'abord fallu que je comprenne son histoire et parte à la rencontre de ses fondateurs, au travers du musée (très privé) situé au dessus de la boutique du 34 boulevard Saint Germain et de la lecture d'un livre qui leur a été consacré par Elisabeth de Feydeau, sobrement intitulé "diptyque".
Remontée dans le temps, entre les années de privation d'après guerre et au début des 30 glorieuses, 3 amis, Christiane Montadre-Gautrot, Desmond Knox-Leet et Yves Coueslant inaugurent leur boutique diptyque en 1961.
Honneur aux dames : Christine, originaire de la Ferté Alais, est diplomée de l'Ecole des arts décoratifs et rencontre en 1949 Desmond Knox-Leet, peintre, par l'intermédiaire d'amis américains. L'année suivante, ils unissent leurs talents pour dessiner et vendre des tissus d'ameublement. Après s'être perdus de vue deux ans où Desmond vivait sa vie de peintre, ils se retrouvent en 1957.
Desmond est très certainement le coeur du trio. Né en 1923 à Londres dans une famille aristocratique. Il passe son enfance en France, à Roquebrune Cap Martin. En 1946, il s'inscrit à l'Ecole des beauxs arts de Paris. Très rapidement, il exposera ses créations. Il continuera sa passion jusqu'à sa mort en 1993. Il n'aura de cesse de trouver son inspiration sous toutes les formes possibles.
Né en 1926, Yves passe son enfance au Tonkin, a fait ses études à l'Ecole du Louvre, et devient guichetier au CIC place Victor Hugo. Il y rencontre, par le biais d'un client, Paul Fréchet, grand décorateur de l'époque, qui lui propose de collaborer à la création de décors de théâtre. De fil en aiguille, il fait la connaissance d'Elvire Popesco et devient son administrateur mais aussi comédien ou il donnera notamment la réplique à Michel Simon. Une carrière théatrale est lancée.
En 1959, il rencontre Desmond et abandonne son métier mais également son envie de peindre pour aider son nouvel ami qui avec Christiane dessine des maquettes de tissus d'ameublement vendus à Londres.
Le trio est formé!
Amis, Artistes, amoureux de la nature et voyageurs, authentique, voilà diptyque!!
En 1961, ils ouvrent, certes Rive Gauche mais dans un quartier un peu éloigné du coeur de Saint Germain, leur boutique dont la vocation est de proposer leurs propres créations de tissu d'ameublement. Flanqué de deux vitrines, le magasin prend le nom de diptyque.
Le tissu ne fait pas recette et c'est à Noël 1961 que des lampions, servant de décoration représentant des animaux de basse-cour dessinés (poule, lapin, dindon...), prisés des clients, donnent l'idée de devenir des "marchands de rien", de proposer des objets d'artisanat, en provenance du monde entier soit finalement le premier concept store en France : du home made (boîtes, encadrement, coussins, sacs, pots pourris), l'art de la table dont des nappes de lins dessinée par une jeune débutante qui deviendra Laura Ashley, de la mode, des livres, des bijoux fantaisie, des photophores, des brûle parfums indiens et de la parfumerie dont les grandes marques anglaises.
Le succès est au rendez vous et ne se départira jamais.
Dans le musée à l'étage, je découvre les fameux tissus toujours aussi contemporains et qui ont façonné l'imagerie de la maison :
Mais aussi tous ces objets qui étaient proposés, un joyeux capharnaüm, ludique, naïf, précieux :
En 1963, les premières bougies parfumées apparaissent : Aubépine, Cannelle et Thé. Nous en reparlerons demain.
En 1964, le parfum fait son entrée dans les rayonnages par le biais de parfums anglais (Penhaligon's, Trumper, Culpeper...). Le premier succès fut un pot pourri "Le Redouté de Mrs Merwin" composé de pétales de roses séchées, avec des épices. La première eau de toilette, L'Eau, naît en 1968.
Bougies, parfums et un univers esthétique fort initié par les tissus.
Des produits s'imposent, les codes de la maison se mettent en place.
L'ovale est une des formes présente sur les premiers modèles de tissus, inspiré de l'architecture gréco romaine comme sur le tissu "Choriambre" représentant de petis ovales placés dans des rectangles et ornés de lignes de couleurs ou sur le tissu "Prétorien", un grand motif ovale comme un bouclier de la Rome antique (les deux créés par Desmond).
La charte graphique prend naissance dans la passion de Desmond pour la calligraphie et l'alphabet oghamique provenant de l'écriture celte. Chaque nom de parfum s'écrit comme un rébus, un charivari de lettres à l'encre de chine noire, sur fond blanc, dans une étiquette ovale.
La première étiquette de L'Eau comportait dans l'ovale, une boucle de ceinture, abandonnée plus tard car trop proche de l'univers d'Hermès. Chaque bougie est enveloppé dans un plissé de trois nuances de papier de soie.
L'expansion se fera dans les années 80 et la marque est cédée en 2005 à un fonds d'investissement familial. Depuis cette date, diptyque poursuit son chemin en renouvelant l'inspiration d'origine.
Un beau chemin que je vous propose de continuer demain.