Dans mon parcours d'initiation, j'ai pu rencontré Myriam Badault à deux reprises, notamment lors du lancement du parfum "Volutes".
Directrice marketing, elle perpétue l'oeuvre des créateurs en la maintenant toujours dans la modernité, et en se remettant systématiquement en questions.
A ce propos, j'ai pu lui poser toutes les questions que je me posais depuis ma plongée dans cet univers.
1/ La maison propose très régulièrement des nouveautés. Quelles sont les prochaines nouveautés ?
Ce qui est passionnant chez diptyque, c’est la multiplicité et la diversité des projets, et ceci est vraiment lié à l’histoire de la marque (créatrice et éditrice de tissus à l’origine), à l’éclectisme et à la curiosité de ses fondateurs.
Aujourd‘hui nous imaginons des projets liés aux parfums pour la maison, pour soi, des produits de soin, et de petits objets de décoration.
Le fil rouge entre ces univers reste le parfum, la narration, un parti pris créatif, l’esthétisme et la qualité.
Sans pour autant se prendre au sérieux ! mais il est important qu’un projet soit juste et qu’il ait du sens.
Nous travaillons actuellement sur de nouveaux parfums. Nous entretenons en permanence des conversations avec les quatre parfumeurs – Olivia Giacobetti, Cécile Matton, Olivier Pescheux et Fabrice Pellegrin- avec qui nous créons nos fragrances.
Certains projets peuvent être finalisées en un an, d’autres ont pris jusqu’à trois ans.
Notre prochaine Eau de toilette s’appelle Eau Mohéli, elle sera lancée début mai. C’est un projet très important pour nous car il nous permet de mettre en avant notre savoir faire en terme de matière première et notre implication réelle sur le sujet. Pour assurer le développement d’une qualité très spécifique d’Ylang, entrant dans la composition de l’Eau Mohéli, nous nous allions à Givaudan, pour la mise en place de pépinière d’Ylang, sur l’île de Mohéli, dans l’archipel des Comores.
Nous préparons également un projet très important en terme d’innovation pour l’automne. Il s’agit d’un objet, avec une forte dimension décorative, permettant de parfumer son intérieur. C’est un objet qui en terme d’usage et de rémanence va venir compléter notre collection qui se compose aujourd’hui d’ovales parfumés, bougies, vaporisateur d’ambiance et sablier.
Sabliers, dont la gamme de senteur sera étendue au printemps.
Et l’année sera émaillée de nouvelles senteurs de bougie, une pour chaque saison.
L’année 2013 marque en effet le cinquantième anniversaire du lancement du premier trio de bougie parfumée diptyque, Thé, Aubépine, Cannelle. Et nous souhaitions célébrer cet évènement en enrichissant notre collection avec de nouvelles senteurs. Le printemps nous permet de découvrir la Jonquille et pour l’été nous avons créé une bougie Eucalyptus
2/ En tant que directrice de création, comment alimenter son imagination et être en permanence en veille, travail solitaire ou collectif ?
Il faut être curieux de tout et tous, très à l’écoute.
Nous avons la chance d’évoluer dans un univers de marque extrêmement riche, polymorphe. C’est un peu comme un prisme, les sources d’inspiration sont là , tout dépend de la façon dont vous les regardez et les interprétez. A mon sens cette marque est un formidable catalyseur.
Tout est prétexte, une recette de cuisine peut être à l’origine d’un accord parfum inattendu, une matière première de parfumerie, un geste du quotidien que l’on aura envie de réinventer, un souvenir, un lieu, un livre, le travail d’un designer ou d’un graphiste, la conception d’un objet, …et puis à un moment tous les éléments s’assemblent, résonnent et donnent un vrai sens et une légitimité au projet.
Il suffit de regarder, d’absorber, de partager avec les talents créatifs, qu’ils soient parfumeur ou designer, les industriels et les artisans, chacun apportant sa sensibilité et son savoir faire au développement d’un projet. Après avoir imaginé et partagé une vision du projet avec tous ceux qui vont intervenir lors du développement , mon rôle devient plus celui d’un chef d’orchestre !
3/ Au delà de la création, quel est le secret pour concilier, réaliser plusieurs lancements en même temps, penser aux futurs produits, faire vivre les gammes ?
Comme je le disais précédemment il faut entretenir des conversations permanentes. Il faut savoir se laisser du temps (la chose la plus précieuse !) et un peu de liberté pour pouvoir penser hors cadre, faire des projets plus prospectifs qui ne verront le jour qu’à une toute petite échelle mais permettront de tester une gestuelle, d’explorer l’usage d’un matériau, l’esthétique et l’ergonomie d’une forme, d’évaluer la cohérence par rapport à l’univers de la marque.
Nous avons aujourd’hui nouer des liens avec des talents créatifs que nous choisissons en fonction des projets. L’idée est de construire une équipe totalement dédiée autour de chaque projet. Pas de compétition.
Si au démarrage du projet, notre vision est suffisamment claire et définie, il n’y a pas de raison pour que nous n’arrivions pas à le formaliser. Cela peut juste prendre un peu plus de temps que prévu !
Je pense que c’est très enrichissant de gérer plusieurs lancements en même temps. Cela permet de se concentrer sur différentes problématiques, de pouvoir prendre du recul, cela permet également de préserver la cohésion de la marque et de son expression au travers de ses produits.
4/ diptyque a voulu retraduire l'odeur de la boutique à travers le 34 boulevard Saint Germain. À l'origine il y avait des tissus chez diptyque. Avez vous déjà imaginé un parfum qui reproduirait l'esprit de ces tissus toujours contemporains ?
Très honnêtement nous ne l’avons jamais envisagé, car cela ne correspond pas à la façon dont nous créons les parfums (pour la maison, ou pour soi).
Au départ de chaque senteur, il y a toujours une expérience tangible, un lieu, un souvenir olfactif, une matière première… exprimer « l’esprit des tissus en parfum » est un travail beaucoup plus conceptuel et subjectif.
C’est une autre façon d’aborder la création olfactive, mais pourquoi pas…. La capture d’odeur, ainsi que les évolutions en terme de traitement des plantes à parfum, la mise en place et la restauration des filières de matières premières, sont aussi des champs d’exploration sans fin !
5/ diptyque est réputé pour ses produits dont ses bougies. De belles senteurs, un joli packaging mais qu'est ce qui explique le prix d'une bougie diptyque là ou certains ne voient que de la paraffine dans un verre de cuisine ?
Ce qui explique le prix d’une bougie diptyque c’est la bougie en elle-même et non le packaging comme vous le soulignez si bien.
Ce qui distingue une bougie diptyque ce sont :
- Le parfum
- Le mode de fabrication
La mise au point d’une bougie est techniquement plus complexe que celle d’une eau de toilette, la chaleur venant interférer dans la diffusion du parfum.
Certaines matières premières ont besoin de beaucoup de chaleur pour diffuser, d’autres se dénaturent au contact de la chaleur….
L’objectif est de trouver le meilleur compromis entre le parfum, la formule de la cire et la taille de la mèche, pour obtenir d’une senteur à l’autre le résultat le plus homogène possible en terme de performance olfactive et de qualité de brûlage.
Ce qui signifie concrètement qu’entre une bougie Figuier 70, 190, 300, 1500 g, la formule de la cire va être étudiée de manière à être adaptée au contenant, nombre de mèche…
A chaque senteur correspond un assemblage de cires spécifiques et une mèche. Le cycle de fabrication est de deux jours, et nécessite douze opérations manuelles. Nous glissons maintenant dans nos produits une notice, qui nous permet de partager avec nos clients ce savoir faire spécifique. La mise au point des parfums est tout aussi complexe que pour une Eau de Toilette, et nous ne nous interdisons pas l’usage de certaines matières pour des raisons de coût.
Pour compléter la réponse, Myriam m'a donné l'exemple de la bougie géante Tubéreuse "intérieur et extérieur", de 1 500g disponible au prix public de 190€.
Pour la réaliser, diptyque s'est associé avec la célèbre manufacture de porcelaine de Virebent, installée dans le Lot, en France, depuis 1924.
Choisi pour son touché rustique et son impact visuel artisanal, le grès donne vie dans la matière à l’ovale graphique, emblématique de la marque.
Exclusivement manuel, le processus de fabrication de cette bougie diptyque ne nécessite pas moins de neuf opérations successives. La barbotine, mélange de terre et d’eau, est coulée dans un moule de plâtre, où elle se love dans la forme creuse de l’ovale.
Après une longue attente de plusieurs heures, il est ensuite cuit à 980°, puis recouvert d’émaux, à l’intérieur et à l’extérieur, puis estampillé sur le dessous du nom des deux maisons.
Une dernière cuisson à 1280° fait fondre l’émail qui, fusionnant avec la terre, lui apporte une solidité et un fini subtil, brillant satiné.
La bougie « intérieur et extérieur » est présentée dans une boite à chapeau, fermée d’un large ruban, un étui délicat qui apporte un supplément d’âme à cette édition d’exception.
Afin de parvenir à la parfaite restitution de son concentré, la bougie « intérieur et extérieur » bénéficie d’un assemblage de cires de grande qualité, spécifiquement mis au point et évalué à chaud et à froid par un cirier. Pour garantir la combustion optimale et homogène de chaque bougie, le choix de la mèche joue aussi un rôle primordial, ici au nombre de 4, tressées en coton, armées en leur centre de cellulose.
Pour illustrer le tout, voici une courte vidéo :
6/ D'eaux de toilette, diptyque propose des parfums, une volonté de gagner en intensité ?
L’idée derrière les Eaux de Parfum est double :
- Avoir des produits plus rémanents
- Mais également apporter un nouvel éclairage sur ces notes en exacerbant une des facettes olfactives.
Il ne s’agit pas simplement d’une montée en concentration, qui d’ailleurs peut s’avérer extrêmement décevante… nous l’avons vécu sur Do Son, ou nous avions poussé la concentration à 30% et il ne se passait rien ! mais d’un vrai travail de recréation, visant à mettre en évidence une autre facette de la fragrance, de son histoire… certaines matières premières sont ajoutées, d’autres surdosées.
La collection sera enrichie à l’automne d’Eau de Parfum pour Tam Dao et Eau Duelle.
Pour Tam Dao, nous avons cherché à renforcer la facette boisée de la note tout en restant très fidèle à l’inspiration indochinoise de la note et à la spécificité olfactive du Santal de Mysore qui entre dans la composition de la note.
Totalement déraisonnable. Le flacon qui abrite les Eaux de Parfums véhiculent tout à la fois cette idée d’intensité (le noir) et d’autres éclairages (les illustrations sont traitées en négatif). Il confère aussi à ces produits une certaine forme de sophistication.
7/ Pourquoi un parfum diptyque plutôt qu'un autre ?
Pour ses parti pris olfactifs et pour son écriture.
Il y a une histoire derrière chaque senteur, et une vraie volonté d’aborder la création olfactive avec liberté, en dehors des sentiers battus, sans chercher à tester la performance d’un produit.
La dimension créative prime, le plaisir de découvrir une odeur et de la porter est essentiel.
Notre façon de répondre aux attentes et à la diversité de nos clients se fait par le biais de notre collection qui compte aujourd’hui une vingtaine de senteurs allant de la Collection Hespéridés à Volutes en passant par le 34.
Le lien entre toutes ces notes est ce que nous appelons l’accident olfactif. Il s’agit d’un accord, une alliance de matières premières, qui va créer une aspérité dans la note, un léger défaut, qui va créer de l’intérêt et de l’addiction.
C’est notre secret de création… »la diptyque touch »
8/ Il y a eu le pot pourri, puis les bougies, puis les parfums mais aussi le soin, d'autres univers sont ils explorables ? et si oui, lesquels ?
L’histoire de cette maison fait que de multiples univers sont explorables, liés à la décoration de la maison, aux accessoires , aux textiles… c’est un formidable champ de recherche et d’expérimentation pour les années à venir… mais il faut que les choses aient du sens, qu’elles soient parfaitement exécutées, et que l’on ait le sentiment qu’il n’aurait pu en être autrement.
Merci Myriam