An : Vie d’L’
Flashback : samedi midi, la voiture quittait la rue de Paname, et panam’ tout court.
L’ l ‘accompagnait.
Il quittait ce quartier du Paris populaire qui sonnait années 50, matifié des accents et des couleurs africaines. Drôle d’endroit pour celui qui était « monté » à Paris et qui ne ressemblait plus à ce provincial élevé en Bretagne et qui avait travaillé en Touraine. Il n’était pas non plus l’archétype du parisien soit Bobo, soit Homo du marais. Il était encore à part.
Sur le périphérique, le sacré cœur se perdait dans le rétroviseur et rappelait cette arrivée, huit ans plus tôt, avec l’Arc de Triomphe en face du pare-brise, comme une première épreuve d’assimilation à passer – eh oui, passer le rond-point ou plutôt le traverser était comme une des nombreuses sélections pour devenir un des leurs.
Après la porte de Saint Cloud, il savait maintenant qu’un nouveau cycle débutait. Encore un. Le dernier avait donc commencé alors qu’une princesse décédait à Paris, un 31 août et s’achevait ce samedi. Il ne venait pas seul et amenait avec lui cette amitié qui l’avait poussé aux portes de la capitale. Cette amitié, il l’avait acquise, gagnée durant les huit ans passés en Touraine, pas tout de suite, mais au gré du hasard et des rencontres.
Jean Louis l’avait incité à changer de vie, de vie professionnelle et l’y avait aidé en lui proposant notamment un hébergement gracieux et agréable avec vue sur la place Beauvau et l’Elysée. Cette amitié avait depuis encore grandie et s’était renforcée, pour être aujourd’hui forcément inaltérable.
Aujourd’hui il quittait cette ville avec l’Amour qu’il avait encore mis huit ans à trouver, encore au gré du hasard et des rencontres, encore ce cycle.
A chaque fois, lui qui s’était construit seul et ne voulait devoir rien à personne, emportait avec lui quelqu’un.
Tout avait changé ce début août où un courrier lui confirmait sa nouvelle embauche dans la capitale de la Région Centre, par ce patron rencontré deux mois plus tôt et où deux jours plus tard, contre son avis, deux amis lui proposait de sortir dans cette boîte où L’ le rencontrerait e toù il décidérait d’être aimé de L’.
Après le péage de Saint Arnoult, L’, toujours présent, au regard tendre et absolu de celui qui aime, le rassurait sur sa nouvelle vie, alors qu’il n’était pas assuré lui même. Et plutôt de nouvelle vie, évoquait leur nouvelle vie pleine d’incertitudes et d’une certitude.
Ses rencontres avec l’amour avait toujours un goût d’étrange ou tout du moins d’inhabituel. Il ne pouvait pas rencontrer et vivre l’amour simplement se disait t’il ;. Comme une malédiction ou peut être comme une envie inavouée, comme une absence d’envie, une envie de se protéger, toujours de ne devoir rien à personne et de ne pas montrer tout ce qu’il cachait depuis toujours.
Alors si effectivement il avait été aimé simplement avec Denis venu avec lui dans ses bagages tourangelles, Christophe, Guillaume, Yuthika, ou sans leur donner de temps à Laurent, à Vincent, à Jean Michel ou se donner tout court à Yassine, Sébastien, Olivier, Carlo, Hervé et tous ces autres ou mêmes prénoms, les deux prénoms en mémoire étaient Patrick et Gilles pour leur amour passionnel, intense, fort et destructeur. Un amour qui ne laisse rien que des traces indélébiles et renforce son goût de la solitude.
Tout paraissait flou, tous ces garçons, tous ces prénoms, toutes ces nuits, ces râles, ces jouissances, ces joies, ces pleurs au regard de cette certitude : claire, limpide, évidente et si simple.
L’ était là.
L’ l’aimait et sans doute lui aussi.
Tout avait changé : l’amour était simple mais en même temps il restait à atteindre et à construire. L’ était cet homme marié depuis 18 ans, ce père de trois enfants, ce garçon qui découvrait son premier amour avec la beauté et l’absolu de la première fois. Il avait voulu être aimé et se voyait changé dans ses yeux. L’amour de L’ le poussait à se redécouvrir et à donner, tel un arroseur arrosé.
Cette route qui les amenait pour un week end d’emménagement sur Orléans était presque un retour vers ses anciennes terres, peut être pour lui rappeler le chemin parcouru ; Il n’est pas nostalgique et ne se retourne jamais sur son passé. Tous les jours lui ont apporté quelque chose de nouveau, toujours plus positif, toujours pour le construire.
Une nouvelle étape avait été franchie durant ces huit ans. Il s’était encore plus affranchi et était plus riche encore, de vie, d’amitié et d’envies. Pourtant, ces derniers temps, il avait l’impression d’être sur le mode pause, ou parfois même de revivre les mêmes moments. Sa vie parisienne avait atteint son apogée : son travail agréable et bien payé qui assouvissait ses goûts pour le luxe et les vêtements, les soirées, les dîners entre amis, les restaurants inaccessibles. Il avait ce qu’il s’était promis d’avoir en arrivant, comme une forme de revanche, sans savoir sur quoi ou sur qui, et désormais il s’ennuyait parfois. Il savait ce qui allait se dire dans les dîners, ce qu’il allait faire dans les soirées, qui il rencontrerait pour de courts instants. Tout s’enchainaît, la machine tournait rond. Fan de séries américaines, la vie autour lui paraissait comme une mauvaise série qui n’avait pas su se renouveller , avec ces personnages perdus dans leurs habitudes malgré quelques rebondissements évidents.
Son départ avait été progressif comme une forme de tournée d’adieu, sans jamais le dire. Il avait découvert l’affection de ses collaborateurs et collègues et était sûr de ses amitiés. Elles étaient fortes et parfois dures face à celui qui savait se montrer fort, imperturbable, insensible, moqueur, joueur, mais aussi disponible et célibataire. Sa relation à L' en avait perturbé certains, peut être par jalousie de ne pas être aimé ou de se faire ravir "une possession" ou d'un effet miroir sur des relations plates faussement aimantes.
L’arrivée dans la ville, dans sa petite maison, le nettoyage chacun dans une pièce, les courses à la grande surface et le dîner dans un petit restaurant du centre ville avait le goût d’inattendu et d’exotisme alors que la Nuit Blanche commençait à peine sur Paris, où l’Avenue Montaigne l’aurait accueilli pour une nouvelle soirée.
Sous une pluie fine et froide, la visite du centre ville où tout était fermé, et ce cinéma où ils étaient quatre dans la salle tenait la comparaison face aux deux invitations pour l’inauguration d’un nouveau cinéma parisien ou cette soirée en mémoire de Dior au Palais Royal.
Il avait fait son choix de suivre ce nouveau temps, sa x-ième vie, comme une nouvelle sédimentation qui le renforcerait encore, qui l’amenait vers l’accomplissement. Il n’éprouvait aucun doute, aucune incertitude, aucune nostalgie.
Cette fois ci, il n’était plus seul et n’avait pas envie de l’être comme si dans cette nouvelle étape, la malédiction n’était plus, ou bien l’avait’il tuée sur l’autel de l’abandon parisien.
Cet abandon n’est pourtant que partiel puisqu’il compte partager sa vie entre Paris et Orléans, entre travail et amis, entre vie en province la semaine et vie urbaine le week-end, toujours pour ne pas être comme les autres. Partager mais tout pour retrouver L’.
Le dimanche soir, alors que L’ repartait en train,, des larmes lui montait aux yeux, de l ‘amour reçu de L’, de l’espoir d’un nouveau travail, d’une nouvelle vie, d’une nouvelle étape.
Superstitieux, les signes ne trompaient pas. Son horoscope le lui confirmait.
Son arrivée à Paris avait été bouleversé par une mort événementielle. Son arrivée sur Orléans s’annonçait sous une éclipse.
Comme un effet papillon, il se sentait porté, confirmé.
Depuis tout ce temps, il s’était trouvé, il avait trouvé l’Amitié, il avait trouvé l’Amour. Il savait qu’il avait encore d’autres choses à découvrir.
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