Après Métro et de nombreuses collaborations, Karl Lagerfeld devient rédacteur en chef du AD de mai, qui est sorti le 13 avril, avec visite à la clef de son appartement parisien
Voici l’édito de Karl Lagerfeld pour AD :
La maison prend une importance de plus en plus grande dans nos vies. Presque plus besoin de sortir – une certaine vision de la vie vient directement à nous, pas seulement comme avant via la télévision, mais aussi par le Net, les réseaux sociaux et par la sophistication de plus en plus raffinée des iPod et des iPad sans parler des iPhone.
L’information nous paralyse agréablement sur place et nous devenons les victimes heureuses et consentantes d’une sorte de « cosy carcéral life » plus ou moins luxueuse.
C’est ainsi que le style du xxie siècle se dessine lentement. Ce style est encore teinté par de fortes doses de nostalgie et de références à un passé plus ou moins lointain. Les années 1920 (le début de la « modernité ») et les années 1960-1970 sont les plus prisées pour le moment, jamais de reconstruction mais des évocations subtiles. Pourtant nous vivons un grand moment du design avec des talents comme Marc Newson, les frères Bouroullec et Martin Szekely, pour ne citer que quelques-uns de ceux qui aident à donner un nouveau visage stylistique à nos intérieurs.
Nous sommes le cœur d’une poupée russe : les vêtements d’abord puis les appartements et les maisons… Mêmes les rues et les villes sont à inclure dans l’évolution de nos préférences et de nos goûts. Les générations précédentes avaient le xviiie et même l’Antiquité comme modèles – surtout en architectureOn n’aimait pas trop ce qui était trop proche. Le cercle référent s’est resserré dans le temps mais rares restent les amateurs d’un intérieur totalement contemporain.
Vivant entourés d’une technologie incroyablement évoluée qui n’existait presque pas il y a dix ans, nous avons besoin de repères qui nous relient à des époques qu’on a tendance à croire plus heureuses que la nôtre, mais que seuls le temps et la mémoire ont embellies. Ces références nous guident et nous aident à avancer dans le no man’s land du digital encore plein de mystères, d’inconnues et de surprises.
« Je naviguerai le ciel à bord d’un cœur sans capitaine » (je cite Catherine Pozzi de mémoire). C’est au tour de AD d’être ce capitaine – ce capitaine d’un goût d’aujourd’hui qui doit traverser la mer de toutes les propositions et contourner les pièges dangereux qu’il rencontrera sur sa route.